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Depuis une semaine, les habitants de Bukavu assistent à une évolution étonnante du taux de change : le franc congolais, longtemps affaibli, semble soudain se renforcer face au dollar américain. Le billet vert, autrefois échangé à 2 850 FC, s’obtient désormais entre 2 500 et 2 600 FC sur le marché parallèle. À première vue, la nouvelle paraît réjouissante. Le gouvernement central s’en félicite et parle d’un signe de stabilité retrouvée. Mais sur les marchés de Bukavu, les étals racontent une autre histoire : les prix des produits alimentaires, du transport et des loyers n’ont pas bougé d’un centime.

Dans les rues animées de Nyawera, Kadutu ou Essence Major Vangu, les vendeurs et acheteurs restent sceptiques. « On dit que le franc s’est apprécié, mais moi je paie toujours le kilo de riz à 4 000 francs et le savon à 2 500 », lance Marie Chantal, vendeuse de légumes. Même constat du côté des transporteurs : « Le dollar baisse peut-être à Kinshasa, mais ici, le carburant n’a pas changé », déplore Faustin, conducteur de taxi-moto. Cette déconnexion entre le taux de change et le coût de la vie interroge, surtout dans une ville où la majorité des transactions se font encore en devises étrangères.

Pour les économistes, cette situation n’a rien de naturel. Un enseignant d’Université , parle d’une « illusion monétaire ». Selon lui, « la valeur du franc congolais ne peut pas augmenter du jour au lendemain sans production nationale. Ce que nous vivons, c’est une mesure administrative, pas économique ». Il estime que Kinshasa tente de rassurer la population à travers une politique de façade, destinée à calmer la tension sociale et à redorer l’image du pouvoir.

Même analyse du côté du chercheur Ghandi Mungu, qui qualifie cette situation de « mirage économique ». Il explique que l’absence de banques fonctionnelles à Bukavu fausse la réalité du marché : « Tout se passe désormais dans le circuit informel. Les gens n’ont plus confiance dans le système bancaire, alors parler d’appréciation du franc, c’est comme parler d’un bateau sans moteur. » Pour lui, la mesure ne profite à personne, sauf à ceux qui veulent manipuler les chiffres pour paraître performants.

Dans cette confusion, les ménages peinent à s’y retrouver. Les prix des denrées importées n’ont pas diminué, les salaires n’ont pas été ajustés et le coût de la vie demeure insupportable. « Ce n’est pas parce que le dollar baisse que nos assiettes se remplissent », résume Odette, mère de famille rencontrée au marché Beach Muhanzi. Pour beaucoup, cette prétendue “appréciation” du franc n’est qu’une annonce politique de plus, sans impact réel sur le quotidien.

Ainsi, pendant que Kinshasa célèbre une victoire monétaire, Bukavu reste plongé dans le doute et la méfiance. La population ne perçoit aucune amélioration tangible de son pouvoir d’achat. Entre la communication triomphante du gouvernement et la réalité économique du terrain, le fossé s’élargit. Le franc congolais peut bien s’apprécier sur le papier, mais à Bukavu, la vie, elle, reste chère — et l’espoir, fragile.


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