
Plus de 30 jours après la fermeture du site minier de Lomera le 08 septembre 2025, dans le groupement de Luhihi (territoire de Kabare, Sud-Kivu), les activités locales sont à l’arrêt. Premières touchées, les femmes tentent de se reconstruire dans un contexte de précarité, entre pertes économiques, initiatives de survie et absence de mesures d’accompagnement.
Situé à une trentaine de kilomètres de Bukavu, le village de Lomera comptait près de 30.000 habitants vivant principalement de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.
Selon Égide Sanzira, porte-parole de la communauté locale, « l’équilibre économique a basculé en décembre 2024, avec la découverte de l’or. L’afflux d’exploitants artisanaux et d’opérateurs économiques a transformé le paysage. Les terres agricoles ont été accaparées et les activités paysannes abandonnées au profit de l’exploitation minière ».
Et de renchérir :
« La fermeture du site de Lomera a mis à l’arrêt cette nouvelle économie. Le village, désormais privé de son principal moteur financier, fait face à une crise sociale profonde. Commerces fermés, activités informelles suspendues et même l’Institut Kamengé, école secondaire locale, a dû cesser ses cours faute de moyens des parents »,
explique-t-il.
« La fermeture a tout arrêté » : des vies bouleversées
Au site, femmes restauratrices, vendeuses, laveuses de minerais, artisanes et commerçantes ambulantes vivaient directement de l’exploitation. Aujourd’hui, elles se retrouvent sans alternatives.
« Quand la fermeture a été annoncée, ce fut un choc. Nous avons tout perdu du jour au lendemain », témoigne Mme Binja Lulihoshi, ancienne tenancière du restaurant Hewa Bora. « Avant, je cultivais ou je servais des repas aux creuseurs. Désormais, je reste à la maison. Nous n’avons plus de quoi manger et la scolarité des enfants est un casse-tête », regrette-elle.
Même constat pour Clémentine Ndagano, vendeuse ambulante :
« Chaque jour, je vendais haricots, foufou et charbon. C’était ma seule source de revenus. Je pouvais écouler plusieurs marmites de haricots et de foufou ».
Mado Kasheka, mère de cinq enfants, résume la situation :
« Plus de clients, plus de revenus. Tout s’est arrêté du jour au lendemain. Nous avons du mal à payer la scolarité des enfants ou même à acheter la nourriture ».
Résilience féminine et initiatives de survie

une vue du marché Bwalimu à Luhihi (Ph. DR)
Face à l’absence d’alternatives, certaines femmes ont tenté de se réorganiser. Agnès Mugeni, ancienne vendeuse de haricots raconte : « j’ai rejoint un groupe de tontine pour produire du savon et du jus local vendu au marché de Kavumu. D’autres se tournent vers le petit commerce ou l’élevage. Mais ces efforts restent fragiles ».
« Nous manquons de capital. Les institutions de microfinance exigent des garanties que nous n’avons pas », déplore Joséphine Bahati, artisane reconvertie dans la vente de pagnes. Elle souligne aussi les difficultés liées à l’insécurité, au manque d’accès au marché et à l’absence de formation en gestion.
De son côté, Chantal Iragi, ancienne vendeuse de boissons locales, confirme : « On nous a promis des formations, mais rien de concret n’a été fait. Seules quelques initiatives d’ONG locales, notamment Maman Shujaa, ont offert de brèves formations à un nombre limité de femmes ».
Une fermeture alarmée et un plaidoyer en cours
Du côté de la société civile, l’on s’alarme sur le sort des habitants de Lomera. Loin de baisser les bras, elle entreprend des démarches auprès des autorités pour la réouverture du site minier de Lomera. Jean Samy Takimbula, vice-président du bureau de coordination provinciale de la société civile du Sud-Kivu, affirme avoir conduit à Goma une délégation de 19 personnes notables, concessionnaires et opérateurs économiques pour plaider pour la réouverture du site :
« L’objectif est de rouvrir en urgence ce site d’importance économique pour les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, en particulier pour les villes de Bukavu et Goma. Une note de plaidoyer a été remise aux autorités. Ces dernières ont promis une analyse de la situation afin d’envisager des mesures de faisabilité. Nous attendons désormais leur retour », a-t-il déclaré.
Pour sa part, l’administrateur du territoire de Kabare, sollicité sur les raisons de la fermeture et les mesures concrètes prévues pour soutenir la population locale, notamment les femmes, affectées par cette décision, a annoncé qu’il s’exprimera prochainement.
Sur le plan légal, le juriste Maître Pascal M. rappelle que le Code minier congolais encadre strictement ce type de décision.
« Les articles 279 à 283 ((Loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 telle que modifiée et complétée par la Loi n°18/001 du 9 mars 2018) et de son Règlement minier (Décret n°18/024 du 8 juin 2018),
imposent notamment d’annoncer la fermeture, d’en justifier les motifs et de prévoir des mesures de sécurité et de restauration du site », explique-t-il, avant d’ajouter : » cette obligation vise à éviter la fermeture brusque souvent à l’origine de tensions locales ou de drames environnementaux ».
Une transition sans accompagnement
La fermeture du site de Lomera met en lumière la fragilité des économies minières locales et la vulnérabilité des femmes qui en dépendent. Sans alternatives ni appui public, elles portent seules le poids d’une transition brutale. Reste désormais à savoir si les promesses des autorités se traduiront en actions concrètes et si la résilience des femmes de Lomera suffira à surmonter l’abandon d’un site qui faisait vivre tout un village.
Crédits de production
Auteur : Messie Ngoma Abalawi
Média : L’Essentiel RDC
Lieu de reportage : Lomera / Luhihi, territoire de Kabare, Sud-Kivu (RDC)
Photographies : DR
Publication : Octobre 2025
Cet article d’enquête a été réalisé avec l’appui de Journalists for human rights, JHR/JDH
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