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Edito

À l’approche de la présentation du budget 2026, le Vice-Premier Ministre et Ministre du Budget, Adolphe Muzito, a voulu rassurer l’opinion : la dette de la RDC, estimée à près de 16 milliards de dollars, serait « soutenable » et le pays disposerait encore d’une grande capacité d’endettement. Mais cette déclaration sonne comme une provocation pour des millions de Congolais qui ne voient dans leur quotidien que misère, chômage et absence criante de services sociaux. Kinshasa se félicite de chiffres qui ne reflètent en rien la réalité des marchés, des écoles et des hôpitaux.

Il est en effet facile de parler de soutenabilité quand on raisonne sur le papier, dans le confort des bureaux climatisés de la capitale. Mais dans les provinces, la dette se traduit en coupes budgétaires, en hôpitaux sans médicaments et en enseignants non payés. Pendant que Kinshasa négocie sa crédibilité auprès des bailleurs de fonds, le peuple, lui, paie le prix fort de cette politique d’endettement aveugle. La « capacité d’endettement » dont se vante le gouvernement n’est rien d’autre qu’une chaîne supplémentaire autour du cou des générations futures.

Muzito met en avant les Bons et Obligations du Trésor comme instruments de financement interne. Mais en réalité, ces outils ne sont qu’une fuite en avant, une manière de masquer l’incapacité chronique de l’État à collecter et gérer efficacement ses propres ressources. La RDC est un scandale géologique qui n’arrive pas à transformer ses richesses en développement : l’or, le cobalt et le coltan continuent de s’évaporer dans des circuits parallèles, tandis que Kinshasa s’endette toujours davantage. C’est une gestion qui relève plus de l’improvisation que d’une stratégie souveraine.

L’autre illusion entretenue par Kinshasa, c’est la foi presque naïve dans les institutions de Bretton Woods. Le gouvernement conditionne sa politique budgétaire à la « réussite » de la prochaine revue avec le FMI et la Banque mondiale. Autrement dit, ce n’est pas le Congo qui fixe son cap économique, mais des technocrates étrangers qui dictent les règles du jeu. Parler de discipline budgétaire dans ce contexte, c’est en réalité admettre que Kinshasa n’a pas d’autre boussole que celle des bailleurs de fonds.

Pendant ce temps, la population est prise en otage d’un double discours. On lui promet des infrastructures, des services sociaux et une agriculture renforcée, mais sur le terrain, les routes restent impraticables, les écoles sans bancs et les champs abandonnés faute d’appui. Kinshasa parle d’« investissements » alors que les réalités prouvent que l’argent public s’évapore dans la corruption, l’enrichissement personnel et les projets pharaoniques sans impact. La crédibilité recherchée auprès des investisseurs internationaux est un leurre tant que la gouvernance interne reste gangrenée.

Ce qui choque le plus dans ce discours, c’est le décalage abyssal entre l’optimisme officiel et le désarroi populaire. Kinshasa refuse de regarder en face la faillite de sa gestion budgétaire et continue de s’enfermer dans une logique d’endettement qui fragilise la souveraineté du pays. Le peuple, lui, n’attend pas des slogans, mais une transformation réelle de ses conditions de vie. Les promesses de discipline et de rigueur sonnent creux face à la réalité des poches vides et des estomacs affamés.

Au fond, l’État congolais ne manque pas de ressources, mais de volonté politique et de transparence. Plutôt que d’aller tendre la main aux bailleurs étrangers et vanter des dettes maquillées en « atouts », Kinshasa devrait assainir sa gestion, lutter contre la corruption et investir réellement dans les secteurs productifs. Tant que cela ne sera pas fait, les discours comme celui de Muzito resteront des illusions budgétaires, bonnes à séduire les institutions internationales mais indignes de la souffrance de tout un peuple.

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2 commentaires sur « Edito : Kinshasa, prisonnière de ses illusions budgétaires ! »

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