

Kinshasa s’est émue. Les déclarations officielles se sont multipliées, les réseaux sociaux se sont enflammés : la capitale a pleuré Doha. Un événement tragique à des milliers de kilomètres d’ici a provoqué une vague de réactions unanimes, marquée par l’émotion et la solidarité. Rien n’est condamnable dans cet élan ; il est humain de compatir à la douleur des autres. Mais ce réflexe révèle aussi une fracture douloureuse : pendant que Kinshasa s’épanche sur Doha, l’est du pays continue de saigner dans un silence assourdissant.
À Uvira, Beni et tant d’autres localités meurtries, les larmes ne se comptent plus. Les familles sont endeuillées par des attaques à répétition, les populations fuient leurs villages incendiés, les déplacés s’entassent dans des camps précaires. Chaque jour, des innocents tombent sous les balles de la guerre. Et pourtant, cette tragédie, pourtant nationale, semble reléguée dans un coin de l’actualité, éclipsée par des drames lointains. L’est du pays crie, mais Kinshasa n’entend qu’à moitié.
Cet oubli apparent interroge. Il questionne la hiérarchie des émotions et la mémoire sélective de la nation. Pourquoi tant de ferveur pour Doha et si peu pour Mangurujipa, Beni, Uvira ? Pourquoi tant de mobilisation pour des vies perdues ailleurs, et si peu de résonance pour celles qui tombent ici, chez nous ? L’unité nationale ne se construit pas seulement dans les discours, mais dans la capacité à porter ensemble les douleurs du pays tout entier. Kinshasa doit apprendre à pleurer ses propres enfants avec la même intensité que ceux du monde. Sinon, le danger est grand de voir grandir encore ce fossé entre l’ouest et l’est, entre la capitale et ses provinces oubliées.
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