

Kinshasa aime les slogans, mais déteste leur résonance lorsqu’ils dévoilent sa fragilité. Aujourd’hui, le mot « maîtrisable » s’invite dans le débat politique et médiatique. Pourtant, dans un pays où ni la situation politique, ni l’économie exsangue, ni la sécurité chaotique ne sont maîtrisables, ce qualificatif devient un miroir gênant que le pouvoir tente de briser. Kinshasa préfère l’étouffer plutôt que de l’affronter.
L’affaire du débatteur sanctionné par le CSAC illustre cette peur maladive du pouvoir de se voir renvoyé à ses propres faiblesses. Qu’un simple qualificatif utilisé sur les plateaux télé vienne déclencher une interdiction de prester pendant 90 jours, sans avertissement préalable, en dit long sur l’autoritarisme rampant. Le message est clair : à Kinshasa, ce n’est pas l’argument qui compte, mais la docilité à l’ordre établi.
Pourtant, que signifie « maîtrisable » dans ce contexte ? Rien d’autre qu’une vérité crue : le pouvoir, malgré ses airs d’invincibilité, peut être contenu, contesté, voire neutralisé. C’est cette charge symbolique qui dérange Kinshasa. Derrière la répression médiatique se cache la crainte de voir se répandre une idée dangereuse pour un régime fragilisé par ses contradictions internes et son incapacité à stabiliser le pays.
L’histoire congolaise est riche en slogans qui ont précédé la chute des régimes. Le fameux « pesa mutu passage » avait accompagné la fin d’un pouvoir à bout de souffle, incapable de résister à la poussée des vents venus de l’Est. Aujourd’hui, l’écho de « maîtrisable » sonne comme un avertissement : tout pouvoir qui se croit éternel finit par être ramené à sa juste mesure. Kinshasa le sait, et c’est précisément pour cela qu’elle tremble.
Le recours aux interdictions arbitraires du CSAC ne traduit pas la force, mais la faiblesse. Censurer un mot, c’est admettre qu’il contient une vérité qui fait peur. Kinshasa, en voulant bâillonner un débatteur, confirme au contraire que son autorité n’est pas solide. La sanction, injuste et disproportionnée, met davantage en lumière le caractère oppressif d’un système qui ne sait pas dialoguer autrement qu’avec des bâtons.
« Tu es maîtrisable » n’est pas seulement un qualificatif ; c’est une prophétie politique. Dans un pays en crise permanente, les mots finissent toujours par dépasser les murs de la censure. À force de nier l’évidence, Kinshasa fabrique elle-même les slogans de sa fin. Le pouvoir qui croit échapper au langage populaire oublie une leçon d’histoire : c’est toujours le peuple qui, en dernier ressort, décide qui est réellement « maîtrisable ».
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tout est maîtrisable ! qu’on ne se fasse pas d’illusion ! interdire qu’on en parle ne fait que prolonger l’agonie de ce régime morbide !