

Dans plusieurs quartiers de Bukavu, un sujet alimente de plus en plus les discussions : la dépendance des femmes mariées aux réseaux sociaux. WhatsApp, Facebook, TikTok et Instagram sont devenus leurs compagnons quotidiens, au point que certains maris affirment voir leurs foyers se fragiliser. « Ma femme passe plus de trois heures par jour sur son téléphone. Parfois, même au moment du repas, elle est absorbée par ses discussions en ligne », confie Jean-Pierre, fonctionnaire dans la capitale du Sud-Kivu.
Pour de nombreux hommes, cette tendance met en péril l’équilibre familial. « Les réseaux sociaux encouragent certaines femmes à copier des modèles étrangers, comme le matérialisme ou le manque de respect envers leurs conjoints », déplore Patrick, commerçant à Bukavu. Dans les bars, dans les marchés, mais aussi dans les églises, cette plainte revient régulièrement : le téléphone portable rivaliserait désormais avec le mari.
Mais les femmes, elles, défendent leur position. « Nous ne sommes pas que des épouses. Les réseaux sociaux nous permettent d’apprendre, de vendre nos produits en ligne, de rester connectées au monde », explique Grâce, entrepreneure en cosmétique. Elle reconnaît cependant que certaines dérives existent : « Certaines femmes exagèrent, mais ce n’est pas une raison pour condamner toutes les autres. » Une autre, Joséphine, affirme que « les réseaux sociaux donnent aussi une voix aux femmes, surtout dans un pays où leur parole est souvent étouffée. »

Les experts en psychologie conjugale appellent à la nuance. Le conseiller matrimonial Benjamin Kalume rappelle : « Le problème n’est pas l’outil, mais l’usage. Interdire les réseaux sociaux aux femmes mariées serait une mesure discriminatoire. Ce qu’il faut, c’est un dialogue dans le couple, des règles d’équilibre et une éducation numérique. » Selon lui, les réseaux peuvent aussi renforcer le couple, par exemple en facilitant la communication à distance ou en partageant des moments ludiques.
Dans les églises, certains pasteurs montent au créneau. Un homme de Dieu avertit : « Quand une femme préfère ses abonnés virtuels à son mari réel, le foyer est en danger. » Mais il nuance également : « Les hommes aussi passent beaucoup de temps sur leurs téléphones, souvent pour suivre des matchs ou discuter politique. Le problème est donc partagé. » Plusieurs responsables religieux encouragent les couples à fixer des horaires sans téléphone, afin de préserver la convivialité.
Ce débat divise profondément la société congolaise. Faut-il limiter, réguler ou simplement éduquer ? Si certains maris réclament des restrictions, la majorité des femmes rejette toute interdiction, jugée injuste. La question reste donc ouverte : au-delà des excès, les réseaux sociaux sont-ils un poison pour les foyers ou un outil d’émancipation pour les femmes ? Les prochaines années diront si les familles congolaises trouveront l’équilibre entre le réel et le virtuel.
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