

Une ville qui déborde de ses collines
Bukavu, perchée sur ses collines au bord du lac Kivu, n’arrive plus à contenir sa croissance. En trente ans, la ville est passée d’à peine 200 000 habitants à plus d’un million. Mais cette explosion démographique n’a pas été accompagnée d’un plan d’urbanisation. Résultat : trouver un logement est devenu un parcours du combattant.
« Aujourd’hui, même avec 200 dollars, il est presque impossible de trouver un logement décent »,
— Dieudonné, père de famille expulsé de son logement du centre-ville
Dans les quartiers périphériques comme Panzi, Kadutu ou Nyakaliba, les constructions s’étendent de manière anarchique, souvent en matériaux précaires, sur des terrains fragiles et instables.
L’explosion incontrôlée des loyers
À Bukavu, louer une maison est devenu un luxe. Pour un appartement modeste de deux chambres, les prix oscillent entre 150 et 300 dollars par mois. Or, le revenu moyen de nombreux habitants ne dépasse pas 100 dollars.
Les bailleurs exigent des avances faramineuses, parfois six mois de loyer d’un seul coup.
« On me demande 1 800 dollars d’avance pour une maison au centre ville. Où puis-je trouver une telle somme ? », Mado, vendeuse au marché de Kadutu
Le marché est totalement dérégulé.
Selon Jean-Claude M., urbaniste, « le logement est laissé aux lois du marché. L’État n’encadre rien, ouvrant la voie aux abus et à la spéculation ».
La pression foncière, héritage et conflits
Les prix des terrains se sont envolés. Pour acquérir une petite parcelle, il faut compter entre 30 000 et 70.0 000 dollars. Cette situation pousse beaucoup d’habitants à recourir à des ventes informelles, souvent sources de litiges.
« J’ai payé 2 5.000 dollars pour un terrain à Cimpunda, mais deux mois après, un autre homme est venu avec un document du cadastre », Pascal, commerçant de 35 ans
Ces conflits fonciers encombrent les tribunaux et nourrissent un climat de méfiance. L’absence d’un cadastre fiable accentue encore le problème.
Conséquences sociales : précarité et exode
La crise du logement se traduit par :
Des habitats précaires construits sur des pentes instables, menacées par les éboulements.
Des familles repoussées toujours plus loin du centre, augmentant les coûts de transport.
Un exode des jeunes vers Goma, Kinshasa ou les pays voisins.
« Je dois marcher plus d’une heure pour que mes enfants atteignent l’école »
— Chantal, mère célibataire à Nyantende
Selon le sociologue Déogratias Byamo, « l’absence de logements accessibles est un moteur silencieux de l’exode des jeunes diplômés ».
Des autorités tentent de réorganiser le secteur de l’habitat
Malgré des annonces de lotissements publics, très peu de projets ont réellement vu le jour. Un cadre de la Division provinciale de l’Urbanisme admet :
« La ville s’étend plus vite que nos capacités de planification »
Les observateurs haussent le ton
André L, défenseur des droits humains, avertit : « Tant qu’il n’y aura pas une vraie politique de logement social, Bukavu restera une ville pour les riches. »
Vers des solutions possibles ?
Quelques pistes émergent :
Coopératives d’habitat : des familles mutualisent leurs moyens pour acheter et construire.
Micro-crédits pour l’habitat : de petites initiatives existent, mais restent limitées.
Plan directeur d’urbanisme : réclamé par les experts pour mettre fin au chaos.
« Bukavu doit apprendre des autres villes africaines. Sans une politique forte, le chaos urbain deviendra irréversible » avertit un géographe
Conclusion
Cette enquête révèle une évidence : Bukavu manque d’une vision urbaine claire. Entre loyers exorbitants, conflits fonciers et habitats précaires, l’accès au logement est devenu un privilège réservé à une minorité.
Mais il reste un espoir. Avec une volonté politique ferme et une mobilisation citoyenne, Bukavu peut transformer ses défis en opportunités et devenir un modèle de ville inclusive au cœur de l’Afrique des Grands Lacs.
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